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Mouv’ découvre…..Hezen

today27 janvier 2023

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Jeune artiste en partie d’origine martiniquaise, installée à Londres depuis une décennie, Hezen propose depuis quelques années de découvrir son univers musical grâce à des clips chiadés et un vrai sens de la mise en musique. Ses morceaux à la croisée des chemins reflètent une personnalité complexe et bienveillante. A l’occasion de son passage en Martinique, nous avons pu la rencontrer et en savoir un peu plus sur son œuvre et ses projets.

Bonjour Sarah, peux-tu nous présenter ton parcours ?

Je m’appelle Sarah, mon nom d’artiste c’est Hezen. J’ai grandi en région parisienne et j’ai fait des études de Sciences Politiques à Lille. Puis quand j’avais environ 20 ans j’ai eu l’opportunité de terminer mes études à Londres, qui était un endroit où j’avais des connexions musicales, par rapport à mes influences qui étaient très trip hop à l’époque. Ma maman est martiniquaise, mon papa est d’origine biélorusse et polonaise. Du côté de ma mère, il y a aussi des origines indiennes, que l’on connaît bien en Martinique. Mon arrière- grand-mère était coolie. J’ai commencé à écrire de la musique, directement en anglais, quand j’avais 13 ans. Après mes études j’ai décidé de me lancer dans la musique. La raison officielle de ma venue à Londres étaient les études, et la raison officieuse c’est que j’avais très envie de revoir Londres, où j’étais venue quelques fois pendant mon enfance et mon adolescence, et qui m’avait énormément marquée. Je suis tombée amoureuse de Londres. J’y suis depuis 11 ans et je ne regrette rien.

Tu as quel âge, si cela ne te dérange pas de le dire ?

J’ai 34 ans, et cela ne me dérange pas de le dire. C’est vrai que dans la pop c’est un truc qui pèse un peu, plus les années passent, surtout en tant que femme, on a un regard qui n’est pas le même. Mais je ne m’en soucie pas trop, je n’ai rien à prouver.

Tes influences principales sont le trip hop, mais c’est un truc qui est peu « passé » pourtant.

Oui c’était mon influence à l’époque. Après je n’en écoute plus tellement maintenant. J’ai eu un gros coup de foudre pour le trip hop au début de mes 18 ans. On m’a fait découvrir Massive Attack, Tricky, Portishead et ça avait été assez fort pour moi, même si à bien y réfléchir j’avais commencé avec Radiohead, avec des chansons comme Idioteque, sur l’album Kid A. C’est une sorte d’OVNI électronique et ça m’avait énormément marqué. Mais je ne me vois pas vraiment rentrer dans une case. En ce moment je suis en train de « désensevelir » une espèce d’influence que je vois, maintenant, depuis plein d’années, mais à laquelle je n’avais jamais fait attention, c’est la techno. C’est plus la « dance music ». Je n’avais jamais été à une soirée techno avant cette année, et là j’ai découvert qu’il y avait plein d’aspects dans cette musique que j’ai retrouvés dans la mienne. En fait, ça a toujours été un peu là. Mais après je ne pourrai pas faire de la techno pure, ça ne m’intéresse pas.

Il y a très peu de voix dans la techno…

Il y a très très peu de voix en techno en effet. C’est un ami allemand qui m’a fait découvrir la techno, il y a un an. C’est quelque chose qui est en train de venir un peu plus, et d’un point de vue musical, j’ai l’impression d’avoir poussé ma musique « pop » déjà loin, et là où je m’amuse le plus c’est quand je fais quelque chose sans savoir vraiment d’où ça vient. Je suis complètement surprise. Alors forcément en tant qu’artiste on se pose la question « il faut que j’essaye de faire de la musique que les gens vont aimer… » mais en fait je me rends compte surtout depuis un an que je m’amuse bien plus quand je fais vraiment ce que je veux. Et là ça a bien commencé avec le titre So we happen que j’ai fini en Martinique. Quand je l’ai fini je ne savais pas ce que c’était, et c’est finalement là, dans cette Terra incognita, que je me plais le plus.

Alors justement, on est en Martinique, est-ce que tu penses qu’il y a une part de Martinique dans ta musique ?

C’est marrant parce que c’est mon ancien batteur à Londres qui m’a dit il y a trois ans qu’il y avait des sonorités caribéennes dans ma musique, et je ne savais pas de quoi il parlait, et je ne sais toujours pas d’ailleurs. Il connaît la musique bien plus que moi. Je viens en Martinique depuis que je suis toute petite car ma maman vient d’ici et on y a de la famille. Mais en tant qu’adulte je n’avais jamais passé trop de temps ici. Lors du deuxième confinement, entre deux confinements, je me suis échappé de Londres.

Tu es restée longtemps ?

A la base je devais rester un mois, mais finalement j’en suis resté neuf. A l’époque mes parents habitaient encore en Martinique. J’étais très dépressive quand je suis arrivée, en septembre, et à partir de janvier j’ai commencé à me sentir franchement mieux. J’ai eu vraiment l’impression que la Martinique m’a fait beaucoup de bien. C’était exactement ce dont j’avais besoin. J’avais le sentiment de me reconnecter avec quelque chose que j’avais oublié, et je me doutais en arrivant que c’était ce qu’il allait se passer mais je ne savais pas quelle forme cela allait prendre. C’est intense et ça m’a surtout guéri.

Est-ce toi qui t’occupes de la réalisation de tes clips qui sont très travaillés ?

Oui, totalement. C’est très souvent c’est dans les moments où je viens de terminer une chanson, juste avant de m’endormir, que je visualise le clip. C’est ce qu’il s’est passé sur le morceau The Girl you want, je me repassais le morceau du début à la fin, et j’ai vu le style entier se jouer dans ma tête. D’ailleurs le clip de ce morceau a été realisé par mon amie Alice Seabright, qui a depuis écrit et réalisé quelques épisodes de la série Netflix ´Sex Education’, ainsi que sa propre série Chloé sur BBC1 et Amazon, où The Girl You Want est d’ailleurs  joue dans un des episodes

Ce clip a un côté “lychien”, comme dans la saison 3 de Twin Peaks. On dirait que tu as le même maquillage “sans yeux” que le personnage de Naido.

Je suis une grosse fan de Lynch et de Twin Peaks, mais je pense que le clip est sorti avant la saison 3 de Twin Peaks (un an avant, NDLR). Après je suis une super fan de Twin Peaks, je le répète. J’ai vu cette saison et pour moi c’est la meilleure télé que j’ai vue. Pour revenir à mon clip, c’est ma maman qui joue dedans. L’idée des miroirs venait de Cléo de 5 à 7 (d’Agnès Varda), qui est un film de la Nouvelle Vague. Cette chanson parle du Male Gaze (le regard masculin) et de la question de l’objectification du corps de la Femme. Les miroirs participent à cela. Le thème du morceau est “je suis une bonne actrice, je vais jouer le rôle que tu veux”.

Concernant tes clips que tu as fait en Martinique, comment as-tu rencontré les musiciens présents dans ces clips ?

En fait, on était en mars-avril 2021, et je commence à voir le moment où je dois partir de Martinique, et je me dis que quand même ça serait débile que je parte sans avoir fait un truc. C’est tellement beau. A l’époque je ne connaissais personne, ni vidéographe, ni musicien, et je commençais à stresser. A m’en vouloir. Et il y a eu un déclic, un lâcher-prise et je me suis dit que si cela ne se fait pas, ça ne sera pas grave. Et dès ce moment, toutes les pièces se sont mises en place. Donc par hasard j’ai rencontré à la plage une femme, qui est devenue une amie, et qui m’a dit dit “tu devrais contacter Sam, il organise des jams au Mangoresto”. Donc je contacte Sam, je lui explique et je lui demande si je peux jouer deux chansons avec mon papa à la guitare. Il me dit oui de suite, et quand je suis arrivé pour jouer, tout son groupe était préparé pour que je joue avec eux. Et c’est là que j’ai rencontré Tom au saxo, qui m’a introduit auprès de Jonathan Dansicare, dont le manager Bastien fait de la vidéo, et je rencontre aussi Johan Lebon au tambour, via John, et j’ai rencontré Marcus et Noss DJ, dont l’ingé son Gilles Pastel a branché les micros du Bèlè grâce à une copine de plage aussi.

Tu as rencontré tes musiciens comme cela à Londres aussi ?

Curieusement ça fait 11 ans que j’habite à Londre et je n’ai pas l’impression de connaître tant de musiciens que ça. On est beaucoup en fait, trop même. Mais la différence c’est que je suis arrivée toute seule en Martinique pour la première fois de ma vie. J’avais jamais habité toute seule de ma vie, et j’ai été obligé de m’ouvrir. Du coup, cela a facilité mes rencontres. En vrai j’étais une touriste, je ne parle pas créole, et j’ai du sortir pour faire des rencontres.

Comment vois-tu l’évolution de ta musique dans les deux prochaines années ?

Je pense que j’ai vraiment envie de pousser encore plus la partie expérimentale. J’ai vraiment l’impression depuis un an d’être dans un processus de détachement du carcan. J’ai deux pistes qui vont sortir en février, en audio immersif, pour une compilation et vu que ça ne fait pas partie d’un album, ou d’un EP, je me suis permis de partir un peu à droite à gauche. Je me suis tellement amusée et là j’ai plus envie encore d’expérimenter. il y aura toujours de la voix, mais je veux déconstruire les trucs. Mes chansons sont assez lentes, et là je sens que j’ai envie de monter en BPM (rires).

✍ David Bartoli

Written by: mouvadmin

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